Les droits de succession occupent à nouveau le débat public, alimentés par les discussions liées au budget 2026. Pourtant, une étude MoneyVox–YouGov révèle un paradoxe : les Français surestiment massivement cet impôt, mais se privent des outils qui permettraient de le réduire, voire de l’éliminer dans certains cas. Entre méconnaissance des règles, confusion sur les seuils et solutions patrimoniales sous-utilisées, la transmission demeure un territoire où la pédagogie fait cruellement défaut.
Les résultats de l’étude sont nets : plus de la moitié des Français pensent que les droits de succession s’élèvent à des niveaux bien supérieurs à la réalité. Dans l’imaginaire collectif, l’État prélèverait systématiquement une part importante du patrimoine transmis. Pourtant, en ligne directe, le taux moyen est plutôt de l’ordre de 5 à 10 %, loin des chiffres fantasmés. C’est au-delà de 300 000 euros d’héritage que la facture commence réellement à grimper.
La Cour des comptes a d’ailleurs rappelé, à partir des déclarations réelles, que le taux moyen de prélèvement passe d’environ 10 % pour un héritage de 300 000 euros à 20 % pour un patrimoine transmis d’un million d’euros. Et il atteint environ 30 % lorsque la succession dépasse 2,5 millions. Autrement dit, ce n’est pas la succession “standard” qui concentre la pression fiscale, mais les transmissions plus conséquentes… qui pourraient davantage encore être planifiées.
C’est dans les successions en ligne indirecte que le sujet devient explosif. Lorsque le lien familial s’écarte — neveux, nièces, concubin, enfants du conjoint, belles-filles ou beaux-fils —, la fiscalité change de nature. Les taux dépassent 30 % dès 50 000 euros reçus, franchissent les 40 % une fois les 100 000 euros atteints, et s’approchent des 60 % dans certains cas. Dans une société marquée par les familles recomposées, le PACS, les unions tardives ou les transmissions hors cadre traditionnel, cette taxation peut provoquer des situations patrimoniales extrêmement lourdes.
Patrick Thiberge, président de Meilleurtaux Placement, souligne ce décalage : « Nous voyons régulièrement des clients qui souhaitent transmettre à leur belle-fille, ou à l'enfant du conjoint. Sans conseil et dispositif adapté, la facture peut être très lourde. La fiscalité n’a pas encore épousé la vie réelle des familles. »
Ce contraste entre perception et réalité, entre fiscalité moyenne et fiscalité marginale, crée un espace de confusion dans lequel la transmission est rarement anticipée. Or, mal préparée, elle devient mécaniquement coûteuse.
Une boîte à outils efficace
Si les droits de succession sont perçus comme un impôt écrasant, c’est aussi parce que les solutions pour les réduire restent largement méconnues. Pourtant, le droit français offre un ensemble d’outils qui, utilisés correctement, permettent d’optimiser de manière très significative une transmission. L’assurance vie en est la pierre angulaire : c’est le placement préféré des Français pour transmettre et le plus efficace. Les versements avant 70 ans bénéficient d’un abattement de 152 500 euros par bénéficiaire, hors succession, tandis que les versements après 70 ans relèvent d’un cadre plus resserré mais toujours avantageux.
Viennent ensuite des dispositifs moins grand public mais tout aussi puissants : le contrat de capitalisation, qui conserve son antériorité fiscale et peut être transmis avec une intégration partielle dans l’actif successoral, ou encore le Plan d’Épargne Retraite (PER), dont l’épargne constituée peut sortir du champ successoral dans certaines configurations, notamment en cas de rente ou en fonction de l’âge du décès.
Des outils plus spécialisés existent également : les groupements forestiers, qui bénéficient d’abattements spécifiques et sont transmis dans des conditions avantageuses, ou les dispositifs permettant d’investir dans des actifs réels tout en optimisant les droits. Ces mécanismes restent souvent réservés aux investisseurs accompagnés, car ils supposent une bonne compréhension des règles et des risques associés.
Mais la transmission ne se joue pas uniquement dans la nature des supports. Elle se prépare aussi dans la structuration du patrimoine. Les donations du vivant, qu’elles soient en pleine propriété ou assorties d’un démembrement, offrent une grande souplesse. Le démembrement, en particulier, permet de transmettre la nue-propriété tout en conservant l’usufruit, ce qui réduit très fortement la base taxable. Dans bien des cas, il permet d’anticiper progressivement la transmission sans pénaliser les revenus du donateur.
Au-delà des outils, c’est la stratégie globale qui compte : étaler les transmissions dans le temps, calibrer les abattements, répartir intelligemment les bénéficiaires, combiner assurance vie, capitalisation et donations. « Bien préparée et conseillée, une succession peut éviter l’essentiel des droits de succession », rappelle Patrick Thiberge. Le problème n’est donc pas l’impôt mais l’absence d’accompagnement.
Le débat public continue de focaliser sur le niveau des droits de succession. Pourtant, l’enjeu majeur est ailleurs : dans l’extrême hétérogénéité des situations et dans la méconnaissance des leviers de transmission. Avec un minimum d’anticipation, les familles peuvent considérablement réduire la pression fiscale. Encore faut-il savoir que ces solutions existent.
