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L'Épargne en France : Entre Ignorance et Idées Reçues

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Les Français veulent investir mieux, mais ne savent pas par où commencer. Une enquête AFG/Elabe révèle un déficit criant d’éducation financière, qui freine leur engagement en faveur d’une épargne utile, diversifiée… et durable.
 

C’est un paradoxe bien français : alors que la majorité des épargnants souhaitent donner du sens à leur argent, une large part d’entre eux avoue ne pas comprendre les mécanismes de base de l’investissement. Selon une enquête réalisée par l’AFG (Association Française de la Gestion financière) et le cabinet Elabe, près de 70 % des sondés estiment ne pas avoir reçu une éducation financière suffisante pour faire des choix éclairés.
 

Ce déficit de connaissances freine des comportements pourtant pleins de bon sens : stratégies de long terme absentes, diversification quasi inexistante, capital souvent bloqué sur des livrets faiblement rémunérés, désintérêt pour les placements financiers complexes. Résultat : seuls 13 % des Français déclarent appliquer les bons réflexes d’un épargnant averti. Les autres avancent à l’aveugle, souvent influencés par des émotions (peur, prudence) ou des habitudes culturelles (préférence pour la liquidité).
 

Une fracture éducative aux effets durables
Ce manque d’éducation financière n’est pas homogène. Il recoupe des lignes de fracture sociales bien connues : les femmes, les jeunes, les personnes peu diplômées ou aux revenus modestes sont les plus éloignés des mécanismes de placement. De fait, les inégalités patrimoniales s’en trouvent amplifiées. L’accès à l’investissement devient un privilège de ceux qui savent déjà où chercher, quoi comparer, et comment arbitrer.
Pourtant, la volonté est bien là. Deux Français sur trois considèrent que les actions cotées représentent un bon compromis entre risque et rendement à moyen terme. Plus de 60 % souhaitent que leur épargne finance l’économie française ou européenne. Et près de la moitié se dit favorable à une dose de capitalisation pour la retraite. L’intuition financière existe, mais elle reste bridée par l’ignorance des produits disponibles, des mécanismes fiscaux ou des risques mesurés.
 

Une attente de pédagogie, notamment chez les jeunes
L’étude AFG/Elabe pointe une forte appétence pour l’éducation financière, en particulier chez les 18-24 ans. 80 % d’entre eux se déclarent favorables à son intégration dans les programmes scolaires, dès le secondaire. Pour cette génération, plus connectée et plus exposée à l’instabilité économique, comprendre devient une nécessité.
Les formats numériques sont plébiscités : simulateurs, tutoriels, vidéos interactives. L’usage du mobile et des interfaces ludiques devient un levier puissant d’appropriation. La confiance, en revanche, reste l’apanage des conseillers agréés, des banques traditionnelles et des institutions publiques. Les influenceurs et l’intelligence artificielle sont encore perçus comme risqués ou manipulateurs, signe d’un besoin de repères humains et réglementés.
 

Une épargne sous-exploitée, un potentiel immense
L’AFG estime que l’épargne des Français pourrait jouer un rôle bien plus actif dans la transition écologique, le financement des entreprises, ou la préparation à la retraite. Mais cela suppose de décloisonner l’investissement : le rendre plus lisible, plus segmenté, mieux accompagné. Un peu comme on a vulgarisé la nutrition ou la santé publique, il est temps de faire de l’investissement une compétence citoyenne.
 

Des initiatives émergent : simulateurs de portefeuille simplifiés, partenariats entre régulateurs et influenceurs responsables, programmes de sensibilisation dans les lycées. Mais elles restent encore trop éparses. La France est en retard par rapport à des pays comme l’Allemagne, les Pays-Bas ou les États-Unis, où les jeunes sont bien plus familiarisés avec les notions de placement, d’actionnariat ou de retraite par capitalisation.
 

Ce qu’il faut retenir ?
L’investissement ne doit plus être un univers réservé aux initiés. Le déficit de pédagogie coûte cher : il entretient la peur du risque, bloque l’innovation financière et freine la constitution d’un patrimoine diversifié. Pour l’AFG, le message est clair : rendre l’investissement accessible ne signifie pas le simplifier à l’extrême, mais outiller chaque épargnant, quel que soit son profil.
 

Tant que l’éducation financière restera marginale dans la vie publique, l’épargne populaire ne pourra pas jouer pleinement son rôle. Le grand malentendu français n’est pas un manque de volonté, mais un manque de clés.